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Photo du rédacteurNicolas J. Preud'homme

Les dix plaies d’Égypte élucidées par la géophysique

Le livre de l'Exode raconte comment l’Éternel accabla les Égyptiens de dix calamités au terme desquelles le Pharaon consentit à laisser partir les Hébreux.


1. " [...] Les eaux du Nil furent changées en sang [...] et le Nil devint puant, les Égyptiens ne pouvaient plus boire les eaux [...]".

2. "[...] Les grenouilles tombèrent et recouvrirent l’Égypte [...]".

3. "[...] Toute la poussière du sol se changea en moustiques [...]".

4. "[...] La vermine envahit la maison de Pharaon [...] le pays en fut infesté [...]".

5. "[...] Tous les troupeaux des Égyptiens moururent [...]".

6. "[...] Gens et bêtes furent couverts de furoncles bourgeonnant en pustules [...]".

7. "[...] Adonaï déchaîna tonnerre et grêle sur le pays d’Égypte [...]".

8. "[...] Les sauterelles [...] recouvrirent toute la surface du pays, qui en fut obscurci [...]".

9. "[...] Pendant trois jours, il y eut d'épaisses ténèbres [...]".

10. "[...] Dieu frappa tous les premiers-nés d’Égypte [...]".




Eaux du fleuve changées en sang, gouache de James Tissot, v. 1895-1900.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dix_plaies_d%27%C3%89gypte#/media/File:Tissot_Water_Is_Changed_into_Blood.jpg


Miracle ? Pure invention ? La géophysique invite plutôt à considérer une autre interprétation. Ces phénomènes peuvent être rationnellement expliqués. Le géophysicien Gilles Lericolais, directeur des Affaires européennes et internationales de l'Ifremer, explique : "Chacune de ces calamités peut être la conséquence de l'éruption d'un volcan. Et concernant les dix plaies d’Égypte, nous savons même très bien quelle éruption en est responsable : celle de l'île grecque de Santorin".


Santorin, île de la mer Égée, fut le lieu d'une des éruptions parmi les plus puissantes connues, qui survit en 1613 avant notre ère, d'après les dernières estimations mêlant données archéologiques et datation au carbone 14 d'une branche d'olivier retrouvée dans les résidus volcaniques de Santorin. Plus de 100 km3 de matières volcaniques, cendres et roches, auraient été pulvérisées dans le ciel et la mer. Par comparaison, l'éruption du Vésuve en 79 de notre ère n'a éjecté que 3 km3 de matériel volcanique. Le cataclysme de Santorin a laissé des traces sur une grande partie du pourtour méditerranéen, des cendres ayant été retrouvées en Turquie, sur la mer Noire, sur l'île de Rhodes ainsi que dans certains lacs près du Nil.


Les Égyptiens ont gardé la mémoire de cet événement à travers des papyrus médicaux datant d'environ deux siècles après l'éruption mais dépositaires de souvenirs plus anciens. Pour Siro Trevisanato, docteur en biologie moléculaire, "ce matériel à lui seul permet d'expliquer les dix plaies d’Égypte". Les étapes de la catastrophe sont ainsi reconstituées.


Les particules volcaniques en suspension comme les rhyolites, de couleur rose, peuvent avoir donné une couleur pourpre à l'eau (plaie n°1). Certaines plages de l'île de Santorin, chargées de ces morceaux de roche, sont effectivement teintées de nuances rouges. Dans certains papyrus médicaux, il est question de brûlures de peau causées par des eaux rouges et laissant des traces blanches, ce qui est caractéristique des brûlures à l'acide sulfurique. Or, dans l'Antiquité, seule une éruption volcanique pouvait être la cause d'une concentration assez élevée de sulfures pour provoquer de telles blessures. Or, comme l’Égypte ne comporte aucun volcan, seule l'éruption du Santorin a pu être à l'origine de ce type de plaie.


L'acidité de l'eau conduit à la fuite des batraciens qui envahissent donc les terres (plaie n°2).


Les particules volcaniques en suspension provoquent un refroidissement de l'atmosphère, entraînant orages et pluies de grêle (plaie n°7). En comparaison, l'éruption du volcan islandais Laki en 1783, poussée par les vents, a provoquée des tempêtes similaires jusqu'en Europe, alors que son indice d'explosivité (4) était bien plus modeste que celui du Santorin (6 ou 7).


Cette pluviométrie exceptionnelle dans une région désertique entraîne une pullulation des insectes, moustiques, taons et sauterelles (plaies n°3, 4 et 8). Ces insectes ont aussi pu être attirés par les cadavres des grenouilles mortes de déshydratation et par les blessures résultant de l'eau acide, dans lesquelles ils pouvaient pondre leurs œufs.


Les infections que les insectes et micro-organismes ont pu transmettre au travers de leurs brûlures ainsi que l'intoxication liée aux eaux stagnantes et aux plantes acidifiées provoquent la mort des troupeaux (plaie n°5).


La dernière explosion de l'éruption du Santorin, qui fut la plus violente et la plus grande en termes de particules propagées, provoqua les ténèbres palpables, visibles dans les fragments obscurs retrouvés dans la troisième phase des couches de sédiments analysées par les géologues (plaie n°9).


Face à cette succession de calamités, les Égyptiens réagirent par des mesures exceptionnelles, notamment le sacrifice des premiers-nés : la dixième plaie aurait été d'origine humaine.


La date de 1613 avant notre ère invalide l'hypothèse fidéiste des calamités d’Égypte qui se seraient produites vers 1450 avant notre ère. Cette erreur chronologique s'explique par le fait que ce récit de l'Exode a été rédigé 800 ans après cette époque. L'auteur de ce récit biblique a ainsi repris une tradition d'origine égyptienne en l'attribuant à l'intervention divine et en la connectant à l'histoire de Moïse et de l'exode des Hébreux hors d’Égypte.


Dans l'esprit du rédacteur de ce passage de l'Exode, il s'agissait de donner une explication providentielle à des faits extraordinaires remontant à un lointain passé. La vérité que voulait défendre l'auteur est avant tout d'ordre théologique : Dieu maîtriserait les forces de l'univers et protègerait son peuple élu contre ses oppresseurs. Même si son intention n'était pas de tromper ses lecteurs, l'auteur du récit biblique n'était pas en mesure de vérifier la datation précise des événements ni de les expliquer scientifiquement. S'il est humainement tentant de vouloir qualifier de miracles des événements extraordinaires, cela revient cependant à fonder la foi sur de mauvaises bases. On n'explique pas la volonté de Dieu par les phénomènes de la nature. On n'éclaire pas non plus les desseins divins par une lecture hâtive et erronée de l'histoire des hommes.


Nicolas J. Preud'homme.


Source : Thomas Cavaillé-Fol, Pierre-Yves Bocquet et Jean-Baptiste Veyrieras, "Révélations sur la Bible" - "La géophysique élucide les dix plaies d’Égypte", Science & Vie, n°1205, février 2018, p. 66-68.





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