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  • Photo du rédacteurNicolas J. Preud'homme

Retracer l'histoire de l'Israël antique et de l'Ancien Testament

Dernière mise à jour : 24 août 2020

Quand est apparu le judaïsme ? Quels étaient les cultes et les croyances des anciens Israélites ? Quand, comment et pourquoi la Bible hébraïque a-t-elle été écrite ?


Un documentaire réalisé en 2008 par Gary Glassman, intitulé dans sa version française "Les secrets révélés de la Bible", confronte les analyses sur les textes religieux et les découvertes archéologiques en Terre sainte depuis la fin du XIXe siècle. Les fruits de cette collaboration entre chercheurs montrent qu'à l'époque d'Abraham, la première religion monothéiste était loin d'être une entité cohérente… La plupart des Israélites ont, par exemple, longtemps adoré des dieux cananéens à travers des cultes polythéistes. D'autre part, nombre d'entre eux pensaient que Yahvé avait une épouse, Ashéra, qui était elle-même une idole vénérée. Ce n'est qu'à la suite de la destruction de Jérusalem que les juifs, exilés à Babylone, ont rénové leurs croyances pour confesser désormais l'existence d'un dieu unique et universel. Ce fut aussi durant l'Exil (entre 587 et 538 avant J.-C.) qu'ont été rédigés les cinq premiers livres de la Bible, à partir de textes plus anciens et de traditions orales. Ces deux événements tragiques - la perte de Jérusalem et l'exil - constituèrent un terrain favorable à l'émergence d'une religion connue sous le nom de judaïsme, qui donna ensuite naissance au christianisme et à l'islam.

Ce billet propose un compte-rendu illustré de ce film documentaire.

Découverte en 1896 par l’archéologue Flinders Petrie dans la région de Thèbes, la stèle du pharaon Mérenptah, fils de Ramsès II, est exposée au Musée du Caire. Donald Redford (Université de Pennsylvanie) la définit comme une stèle de victoires remportées par les Égyptiens sur des peuples étrangers. Un passage : « Ashkelon est déporté, on s’est emparé de Guézer ; Yanoam [dans le nord de la vallée du Jourdain] a été conquis ; Israël a été anéanti, sa semence n’est plus ». Loin de marquer sa disparition, la stèle de Mérenptah marque l’apparition d’un groupe ethnique appelé Israël sur les montagnes du sud de Canaan. La stèle situe cette défaite d’Israël en 1208 avant notre ère.



Extrait de la stèle de Mérenptah mentionnant le nom d'Israël


Peter Machinist (Université de Harvard), explique la place d'Israël dans l'histoire du Proche-Orient ancien. « Pour comprendre les rapports d’Israël avec les grandes puissances qu’étaient l’Égypte d’un côté et la Mésopotamie de l’autre, il faut mesurer la conscience qu’avait son peuple de sa fragilité. » « Pour la Bible, Israël, c’est avant tout un peuple qui est venu s’établir sur la terre d’Israël. Cet État n’était pas peuplé d’indigènes. »

Dans la Genèse, Dieu conclut une alliance avec Abraham : en l’échange d’un culte rendu par Abraham et ses descendants, il accorde la Terre Promise à son peuple élu. Ces récits ne sont corroborés par aucun écrit contemporain ou matériel archéologique.


Le rapport entre Bible et archéologie est évoqué d’emblée par William G. Dever (Université de l’Arizona) : « On ne peut pas ignorer le texte biblique, surtout si on parvient à isoler un noyau de vérité. Et puis, on a les données archéologiques. Et que se passe-t-il lorsque le texte et l’artefact indiquent la même direction ? On est alors sur des bases solides du point de vue historique ». « Les rédacteurs de la Bible hébraïque racontaient seulement les anecdotes. C’était de bons historiens capables de rapporter les faits tels qu’ils étaient, mais ils visaient tout autre chose ».

David Ilan (Hebrew Union College) est plus critique à l’égard de l’apport du texte biblique en matière d’informations fiables : « Plus on remonte dans le texte biblique, plus il est difficile d’y trouver du matériel historique. Les patriarches sont évoqués dans la Genèse. La Genèse est avant tout un recueil de mythes et de récits de la création. Il est extrêmement difficile d’y trouver un noyau historique ».

Mettant de côté le concept moderne distinguant le réel de l’imaginaire, les chercheurs s’attachent plutôt à enquêter sur les conceptions que les auteurs de la Bible entendaient faire passer.

Michael Coogan (Stonehill College) rappelle que c’est au XVIIe siècle que les premières critiques commencèrent à remettre en cause l’idée longtemps tenue par les rabbins selon laquelle Moïse aurait écrit le Pentateuque.


Des contradictions internes aux textes peuvent être repérées, comme par exemple pour le récit donné dans la Genèse sur le Déluge.

· Selon un passage de la Genèse (6 : 19), Noé aurait emmené deux paires d’animaux de chaque espèce dans son Arche ; un autre passage (Genèse 7 : 2) parle de sept paires pour les animaux purs et une paire pour les animaux impurs.

· Deux versets (Genèse 7 : 4 et 12) avancent que le déluge aurait duré 40 jours et 40 nuits ; un autre verset parle de 150 jours (Genèse 7 : 24).

Deux versions différentes de l’histoire du Déluge s’entrecroisent sur la même page, montrant ainsi la pluralité des auteurs bibliques.


Dans les cinq premiers livres, La théorie documentaire avance quatre groupes d’historiens qui auraient écrit à plusieurs siècles d’écart. Le Pentateuque serait ainsi une anthologie révisée et corrigée progressivement par plusieurs mains.


Tell Zayit, frontière sud-ouest de l’ancien royaume de Juda. Lors des fouilles menées en 2005 par Ron Tappy (Pittsburgh Theological Seminary), les archéologues découvrirent une pierre portant une inscription qui s’avérait être un abécédaire. Ce document épigraphique atteste une activité scribale, forme primitive de l’alphabet hébreu.

Le site des fouilles de Tell Zayit


L'abécédaire de Tell Zayit est le plus ancien alphabet hébraïque découvert à ce jour, datant de 1000 avant J.-C. Il est donc possible que la rédaction de certains textes hébraïques aient commencé à cette époque. Dans toute la Bible, l’Exode hors d’Égypte est l’événement le plus mentionné dans les récits. Le Cantique de la Mer Rouge (Exode 15 :1-18) pourrait avoir été écrit vers l’an 1000. Mais il n’existe aucune confirmation archéologique ou historique de l’Exode en tant qu’événement.

L'abécédaire de Tell Zayit.


Pitom et Pi-Ramsès sont deux cités mentionnées dans l’Exode qui se trouvent également attestées dans d’autres sources. Un recoupement a été fait entre Tanis et Pi-Ramsès, « ville de Ramsès ». L'année 1275 avant notre ère vit l'avènement de Ramsès II. Quelques décennies plus tard, en 1208, Israël est mentionné sur la stèle de Mérenptah. L’Exode aurait-il lieu entre ces deux dates ? Le problème est qu’aucun site archéologique n’a fourni la trace d’une migration israélite. Carol Meyers (Duke University) insiste sur l’importance du récit de l’Exode dans la construction des idées de liberté et d’indépendance dans le système de valeur des Israélites.


L’archéologue John Garstang (1876-1956)


Amnon Ben-Tor (Hebrew University of Jerusalem) a fouillé le site d'Hazor. Dans cette ancienne cité a été révélé un palais cananéen où se voient plusieurs traces de destruction.


Le site d'Hazor



Une statue de divinité profanée au milieu des cendres de Hazor.


La profanation d'une statue de divinité retrouvée au milieu des décombres de Hazor résulte vraisemblablement d'un acte commis par les vainqueurs lors de la destruction de la cité. S’agit-il des Égyptiens ? Ceux-ci ne mentionnent pas la conquête de Hazor. Les Israélites sont, pour Amnon Ben-Tor, les principaux suspects pour la destruction d’Hazor.


Fouilles d’Aï dans l’actuelle Cisjordanie.


Cependant, les fouilles ont montré que la destruction d’Aï date de 2200 av. J.-C., celle de Jéricho à 1500 av. J.-C., celle de Hazor de 1250 av. J.-C. Les trois cités-États n’ont donc pas été incendiées en même temps. Au contraire, près de mille ans séparent leur disparition. Sur les 31 sites que Josué est censé avoir conquis, presque aucune trace de conflit armé ou de destruction, comme le fait remarquer William G. Dever. L’arrivée des Israélites en Canaan ne peut donc pas être le résultat d’une vaste campagne militaire menée par Josué. Seule la stèle de Mérenptah atteste une présence israélite liée à Canaan autour de 1200 avant notre ère.


Pour Sharon Zuckerman, la destruction finale se traduit par la mutilation des statues de roi et de dieu. Or, sur Hazor, il n’y a pas eu de combat car on n’a pas trouvé d’armes dans les rues. Pas d’invasion. Sur l’acropole d’Hazor, il y a des quartiers délabrés et d’autres abandonnés. Elle privilégie donc plutôt la thèse d’une culture en déclin et d’une insurrection populaire. Des Cananéens vivant à Hazor se seraient rebellés contre l’aristocratie régnant sur la ville. Tout le système cananéen des cités États s’effondre.


Une longue période d’agitation et de déclin a balayé les empires de Mésopotamie, d’Egypte et de mer Égée autour de 1200 avant notre ère. Une fois le calme revenu, plusieurs nouveaux peuples occupent le territoire de ces anciennes cités États. Dans les années 1970, les archéologues encadrés par Israël Finkelstein font des relevés à travers le territoire montagneux de Cisjordanie. La datation des céramiques révèle que jusqu’en 1200 av. J.-C., il y avait environ 25 villages abritant entre 3000 et 5000 habitants . À peine 200 ans plus tard, on constate un boum démographique : 250 villages, 45 000 habitants. Cela ne peut pas s’expliquer par un simple accroissement naturel. Ce serait alors lié à l’installation de groupes épars en plusieurs vagues.


Amnon Ben Tor présente dans ce documentaire les maisons typiquement israélites. Il s'agit de villages avec des constructions assez égalitaires, sans monument majeur, des objets sans raffinement. Cette culture matérielle ressemble beaucoup à celle des Cananéens. Seule l’architecture des habitations change. La plupart des Israélites seraient des Cananéens dispersés, selon William G. Dever. Une révolution sociale et économique aurait présidé à l'ethnogenèse des Israélites. Des Cananéens, lassés de la pression fiscale des Égyptiens et de l’oppression politiques, en quête d’une vie meilleure, auraient abandonné leurs cités-États pour partir dans les collines de la Shéphélah, avant de réapparaître sous un nouveau nom, les Israélites.



Ancienne maison israélite dans le massif de collines de la Shéphélah.



Villages israélites vers 1200 avant notre ère.


Villages israélites vers 1000 avant notre ère.


D’après les fouilles, l’essor d’Israël est la conséquence de l’effondrement des cités cananéennes, et non pas la cause : c’est donc l’inverse de ce que dit le texte biblique.

L’Ancien Testament s’attache à considérer les Israélites comme des étrangers s’implantant en Canaan, avec Abraham, Jacob, Moïse, Josué. Les villages israélites se démarquent dans leur culture matérielle des riches élaborations de la culture cananéenne : on n'y trouve pas de céramique peinte ni importée. Avraham Faust (Bar-Ilan Université) insiste sur cette stratégie de rupture avec le passé. Pour se définir, les Israélites se sont donc démarqués des Cananéens.

La Bible insiste sur la particularité monothéiste des Israélites. Dans les écrits de l'Ancien Testament, les quatre lettres Yhwh transcrivaient le nom propre du Dieu d’Israël, dont la sacralité le rendait imprononçable pour les rabbins.


En quête des origines de Yahvé, Donald Redford (Pennsylvania State University) examine un bas-relief de victoire de Séti Ier sur les Chassous, un peuple du désert de Judée, au sud. Les Chassous étaient des nomades vivant dans l’actuelle sud de la Jordanie et nord de l’Arabie Saoudite à peu près à l’époque où les Israélites sont apparus. Or, dans les textes égyptiens à propos des Chassous, il est question d’un camp de Chassous dans un endroit appelé Yhw ; ce nom était probablement celui de leur dieu protecteur. Et ce nom ressemble fort à celui de Yhwh chez les Israélites. Dans la pratique, la plupart des Israélites n’étaient pas monothéistes.


Statuette de taureau d’El, idole du panthéon cananéen exhumée sur site israélite.


Tell Dan.


Le premier abécédaire hébraïque trouvé par Ron E. Tappy (Pittsburgh Theological Seminary) à Tell-Zaït a été réutilisé comme pierre de remploi dans un mur. Le site se trouve à la frontière occidentale du royaume d’Israël. Il devait vraisemblablement y avoir des scribes dans la capitale du royaume israélite du Nord.


Au XVIIIe siècle, les philologues allemands éclaircissent en partie le mystère des auteurs de la Bible à partir des deux mots utilisés pour désigner Dieu. Michael Coogan fait remarquer que certains passages de la Bible parlent de Dieu comme Yahvé ; ils rattachent ces passages à la source J ; d’autres passages mentionnent Dieu sous le nom d’Elohim : c’est la source E. En s’inspirant des poèmes et des chants transmis par les générations, chaque auteur compose son récit sur cette mémoire commune.



Stèle de Tell Dan mentionnant la "Maison de David".


En 2005, l’archéologue israélienne Eilat Mazar (Shalem Center) obtient l’autorisation de commencer des fouilles sur la partie la plus ancienne de Jérusalem, la Cité de David. Des remparts ont été dégagés. Eilat Mazar estime avoir exhumé à peine 20% du complexe de fortifications ; pour elle, cela ne peut être qu’une structure royale.



L'archéologue Eilat Mazar sur le site de la Cité de David.


Le problème est que l’âge des pierres elles-mêmes ne peut être établi ; pour cela, il faut recourir à la datation de la céramique. Pour dater la céramique, il faut tenir compte de l’évolution des styles et de la strate dans laquelle la céramique a été retrouvée. En examinant les poteries retrouvées sur un site bien stratifié, une chronologie de référence est établie par les stratigraphistes et les spécialistes de la céramique ; mais cette chronologie est flottante et ne s’appuie sur aucune date fixe. William Foxwell Albright, père de l’archéologie biblique, s’est basé sur des sources littéraires pour établir une chronologie de référence ; celle-ci, modifiée, fait encore référence aujourd’hui.

Pour Eilat Mazar, le palais qu’elle a exhumé avec son équipe est celui de David, les poteries censées dater du Xe siècle avant notre ère, suivant la chronologie d’Albright. Mais certains archéologues comme Israël Finkelstein dénoncent cette chronologie principalement fondée sur la Bible.



Reconstitution du palais judéen de la Cité de David.


La datation par radiocarbone est plus rigoureuse. Si on retrouve un reste végétal ou animal sur le site, on peut utiliser le carbone qu’il contient pour dater la strate : en mesurant la proportion de carbone 14 par rapport à celle du carbone 12, on analyse le stade de décomposition de l’organisme et on établit ainsi une chronologie. Ces recherches montrent que le style de céramique qu’associait Albright à la période de David et de Salomon date en fait de 75 ans plus tard, soit donc à l’époque du roi Omri, de son fils Achab, au IXe siècle avant notre ère.


Israël Finkelstein considère ainsi que David n’était pas à la tête d’un grand royaume, mais d’une petite chefferie, un seigneur de guerre dont la capitale, Jérusalem, serait un simple hameau. C’est ce qu’avance la datation au carbone 14.

Cependant, d’autres équipes, analysant les datations au carbone 14, considèrent bien que le palais de la Cité de David et l’abécédaire de Ron Tappy pourraient dater du Xe siècle, l’époque de David et Salomon. La datation par radiocarbone contient une marge d’erreur de plus ou moins trente ans. On ne peut donc déterminer avec certitude par le carbone 14 si le royaume de David était aussi prospère que le dit la Bible.


L’archéologue Yigaël Yaddin, le prédécesseur d’Amnon Ben Tor, directeur des fouilles de Hazor, pense avoir trouvé une construction de Salomon, une porte à triple tenaille.



Amnon Ben Tor sur la porte à triple tenaille d’Hazor.



L’archéologue, politicien et militaire israélien Yigaël Yadin (1917-1984)


La porte d’Hazor présente un plan similaire à celle de Megiddo et à celle de Gezer. On aurait donc de grandes constructions émanant d’un pouvoir central, au nord, au centre et au sud de Canaan. Serait-ce la preuve d’un royaume unique correspondant à la royauté de David et de Salomon ?

Relief du pharaon Sheshonq qui envahit Israël. La Bible situe cet événement cinq ans après la mort de Salomon, sous le règne de son fils Roboam. Sheshonq aurait pillé Jérusalem (1 Rois, 14, 25-26). Donald Redford estime que cet événement est l’un des premiers où histoire biblique et histoire égyptienne se recoupent. La chronologie égyptienne date de 925 avant J.-C. la campagne de Sheshonq. Si on admettait l’historicité de Salomon, celui-ci aurait donc régné au Xe siècle avant notre ère, jusqu’en 930 av. notre ère.



Prisonniers enchaînés sur le relief célébrant la victoire de Sheshonq en 925 avant notre ère.


William G. Dever identifie sur le site de Guézer des traces de destructions qu’il relie à la campagne dévastatrice de Sheshonq. La présence d’une porte monumentale à Guézer serait donc à placer au Xe siècle avant notre ère, avant cette campagne de Sheshonq.



Le site archéologique de Guézer.



Reconstitution du Temple de Jérusalem à l’époque du royaume de Juda.


Ce temple n’a pas grand-chose à voir avec le judaïsme moderne. C’est un culte de Yahvé conçu comme divinité suprême qui s’articule sur un Temple censé avoir été bâti par Salomon, fils de David.

L’aspect extérieur du Temple et son fonctionnement. Les archéologues pensent savoir où se trouvent les ruines : enfouies sous l’actuel Dôme du Rocher. On n’a pas encore retrouvé la moindre pierre du Temple de Salomon. La Bible en fournit cependant une traduction détaillée. Le temple de Salomon ressemble aux temples païens des peuples voisins, presque identique à celui d’Aïn Dara au nord de l’actuelle Syrie. Le plan au sol est presque le même, et on a retrouvé des chérubins sur celui d’Aïn Dara. Sur le sol, des empreintes de pieds représentent les traces censées avoir été laissées par le dieu lors de sa progression vers le sanctuaire.


Vestiges de l'ancien temple d'Aïn Dara en Syrie


Chérubins du temple d'Aïn Dara


Lawrence Stager (Harvard University) pense que les données de la Bible croisées avec les observations sur le temple d’Ain Dara donnent une idée assez précise sur ce que devait être le temple de la Cité de David.


Reconstitution de la Cour du Temple de Jérusalem



Reconstitution du Lieu Saint dans le Temple de Jérusalem.


Reconstitution du Saint des Saints dans le Temple de Jérusalem.


Sur le mont Garizim, en Palestine, se tient un rite encore pratiqué par les Samaritains, une communauté de croyants affirmant être les descendants directs des premières tribus d’Israël. Ils pratiquent une forme archaïque du culte israélite : le sacrifice animal.

Assemblée de Samaritains.

Le sacrifice d’animaux se base sur la valeur symbolique du sang, principe de vie, élément sacré du monde humain.

Amihai Mazar présente une de ces découvertes : une statuette d’argile retrouvée dans une maison israélite de Tell-Rehov représentant une divinité de la fertilité, qui tient un bébé dans ses bras.


Divinité païenne de Tell-Rehov présentée par Amihai Mazar.


En 1968, William G. Dever fouillait un site funéraire du sud d’Israël lorsqu’un habitant lui apporte une pierre qui avait été volée dans un tombeau. C’est une épitaphe du VIIIe siècle : « puisse-t-il être béni par Yahvé et son Ashéra ». Yahvé n’était donc pas perçu comme Dieu unique par les premiers Israélites. Yahvé avait une parèdre, une épouse : Achéra. La Bible reconnaît certes que les Israélites honoraient d’autres dieux que Yahvé.


Épitaphe du VIIIe siècle avant notre ère retrouvée dans le sud d'Israël par W. G. Dever.


Selon les livres des Rois et des Chroniques dans la Bible, peu après la mort de Salomon, les dix tribus du Nord se révoltent et forme le royaume d’Israël. Une période de coexistence entre le royaume de Juda et celui d'Israël s'inscrit entre le Xe et la fin du VIIIe siècle.

La formation de l’empire assyrien constitua une nouvelle menace pour les royaumes de Canaan. Les bas-reliefs assyriens décrivent en détail leur suprématie sur Israël et sur Juda.


La Bible rapporte une réforme religieuse menée par le roi Josias à la fin du VIIe siècle avant J.-C. Josias aurait lu un livre de la Loi. Ce serait le Deutéronome. La source D selon les philologues adeptes de la théorie documentaire. D reprend l’histoire de l’Exode et renouvelle l’alliance conclue entre les Hébreux et les Israélites.

Deutéronome insiste sur le fait que seul le Dieu d’Israël doit être honoré. Le Livre du Deutéronome contient les dix commandements avec l’interdiction catégorique d’honorer d’autres dieux (Deut 5, 6-9). Ces commandements se retrouvent aussi dans le livre de l’Exode. Un code universel de moralité et de justice qui eut une répercussion considérable sur le monde occidental.


En 586 av. J.-C., après avoir battu les Assyriens, un nouvel Empire, les Babyloniens, conquiert Juda, assiège et prend Jérusalem, brûlant les yeux et déportant en captivité le roi Sédécias. Les prêtres, les prophètes et les scribes israélites sont enchaînés et emmenés à Babylone. Les textes babyloniens confirment la présence de déportés judéens parmi l’entourage du roi. Certains manuscrits anciens ont pu être sauvé des flammes de Jérusalem. Selon la théorie documentaire, c’est à Babylone que les prêtres et les scribes auraient produit la majeure partie de la Bible hébraïque : ce groupe d’auteurs est considéré comme la source P, ou source sacerdotale. Cette compilation aurait donné lieu au Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible. Le chapitre 17 de la Genèse prescrit la circoncision comme valeur d’alliance : cela ne concernerait pas tant Abraham que les déportés qui lisaient ce texte, et qui cherchaient un signe physique capable de représenter loin de Jérusalem leur appartenance à la communauté israélite. Les Babyloniens font figure pour les déportés israélites de nouveaux païens avec lesquels ils ne doivent pas se mélanger. Ce n’est pas une coïncidence si P fait naître Abraham à Ur, à quelques kilomètres au sud de Babylone. Le voyage d’Abraham d’Ur vers Harran puis Canaan représenterait l’espoir d’un retour des déportés israélites en Terre Promise.


Pour s’assurer la protection divine de Yahvé, la source P met en avant les prescriptions religieuses comme le Shabbat, les réunions de prière dans ce qui devint plus tard la synagogue. C’est pendant la période de l’Exil que les Israélites affirment leur foi monothéiste et désormais juive. L’expérience de l’Exil transforme un culte de Yahvé en une religion monothéiste articulée dont les formes demeurent principalement encore aujourd’hui.


Fort peu de manuscrits datant de cette période de l’Exil ont été découverts. Les Manuscrits de la Mer Morte sont pour l’essentiel postérieurs, les plus anciens découverts datant des IIIe et IIe siècles avant notre ère. Découverts dans une grotte désertique près de la Mer Morte, leur contenu a bénéficié d’un état exceptionnel de conservation. Néanmoins, il est fort probable d’imaginer que la tradition judaïque s’est fixée bien avant le IIIe siècle av. J.-C.

Est évoquée à la fin du documentaire une tendance historiographique révisionniste, considérant les textes de la Bible comme pure fiction, réinvention complète d’un passé israélite totalement imaginaire. Cette opinion extrême peut être réfutée par les recherches sur l’Israël ancien dévoilant certaines correspondances avec les textes bibliques.


La légitimité du passé israélite repose sur la découverte d’un élément pouvant prouver un état ancien des textes bibliques. Au pied du rempart de Jérusalem, dans un vieux cimetière, se trouvent sept grottes mortuaires datant du septième siècle av. J.-C., à peu près à l’époque du roi Josias. Avant les fouilles, ces grottes avaient été pillées ; les archéologues n’en attendaient donc pas grand chose. Un jeune garçon âgé de 13 ans, employé comme bénévole, a été chargé de nettoyer la tombe pour prendre des photographies. Au lieu de quoi, comme il s’ennuyait et qu’il était seul, il s’est mis à frapper le sol avec un marteau ; or le sol était en fait un plafond affaissé qui se brisa sous les coups du marteau. Dans cette cavité furent trouvé des objets qui avaient échappé aux pillards. Parmi les objets gravés se trouvait un cylindre de 2,5 cm de long et de 1 cm de diamètre, fait d’argent, une sorte de rouleau minuscule. Un autre rouleau d’argent légèrement plus petit est également trouvé. Les deux petits manuscrits sont envoyés au musée d’Israël.


Rouleaux miniatures du VIIe s. av. J.-C. retrouvées dans une grotte de Jérusalem.


Andrew G. Vaughn (American Schools of Oriental Research) a participé à l’étude de petits manuscrits enroulés pour servir d’amulettes, avec l’archéologue Gabriel Barkay et son équipe. Les spécialistes mettent au point un procédé méticuleux de restauration pour dérouler les rouleaux et révéler leur contenu. Le texte consiste en une prière à Dieu étonnamment familière, que l’on récite encore dans les synagogues et les églises : « Que le Seigneur te bénisse et te garde. Que le Seigneur fasse rayonner sur toi son regard et t’accorde sa grâce. Que le Seigneur porte sur toi son regard et te donne la paix. » (Nombres 6, 24-26). Ces deux amulettes contiennent donc la bénédiction sacerdotale du livre des Nombres. C’est la plus ancienne trace du texte biblique. On a trouvé ces amulettes avec des poteries datant du VIIe siècle av. J.-C. La paléographie atteste également la datation du VIIe siècle avant notre ère. Ce témoignage antérieur de quatre siècles aux premiers témoignages des manuscrits de la Mer Morte recule donc de plusieurs siècles les premières traces de rédaction de certains livres bibliques : une partie de l’Ancien Testament a été écrite sous les descendants du roi David, avant la destruction de Jérusalem par les Babyloniens. C’est cependant pendant l’Exil babylonien que la Torah a pris sa forme finale. Dans la Bible, le livre d’Esdras avance que ce dignitaire juif avait un exemplaire de la Torah lors de son retour à Jérusalem.


Photographie et mesure de l'un de ces rouleaux


Dans l’Antiquité, la destruction d’un pays par un envahisseur étranger signifiait que les dieux des vainqueurs étaient supérieurs aux dieux des vaincus. La chute de Jérusalem a donc constitué un grand traumatisme dans les mentalités des Israélites. Comme l’explique Peter Machinist et William G. Dever, les Israélites, en ont déduit que le polythéisme a entraîné leur chute. Après la destruction de Jérusalem, plus aucune trace de sanctuaires ou d’idoles polythéistes n’est repérée sur les sites archéologiques, ainsi que l’affirme Ephraim Stern (Hebrew University of Jerusalem). Ce constat atteste l’ampleur de cette révolution religieuse traduisant l’avènement du judaïsme monothéiste.


Le documentaire de Gary Glassman offre au grand public un aperçu dense, précis et bien documenté de la recherche sur l'ancien Israël et l'Ancien Testament. La période des deux royaumes de Juda et d'Israël entre le Xe et le VIIIe siècle avant notre ère aurait pu être davantage traitée, étant donné qu'elle a laissé un certain nombre de traces dans la documentation archéologique comme dans les chroniques bibliques et qu'elle a notamment vu la formation de plusieurs traditions relatives aux patriarches ainsi que l'émergence des mouvements prophétiques. D'autre part, les considérations relatives à la théorie documentaire sur les sources du Pentateuque apparaissent aujourd'hui plutôt datées en raison des avancées récentes de la critique textuelle.


Billet de Nicolas Preud'homme.


Source : Gary Glassman, Les secrets révélés de la Bible, documentaire d'histoire diffusé sur la chaîne télévisée Arte.



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