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  • Photo du rédacteurNicolas J. Preud'homme

À la recherche des premiers tombeaux judéo-chrétiens à Jérusalem


Les Évangiles canoniques s’accordent pour dire que le corps de Jésus a été emmené par Joseph d’Arimathie pour être déposé dans un tombeau taillé dans le roc, à proximité du lieu de crucifixion à Jérusalem (Marc 15 : 42-47 ; Luc 23 : 50-56 ; Jean 19 : 38-42, qui évoque un jardin). L’Évangile de Matthieu (27 : 57-61) avance que ce tombeau serait identifiable au caveau familial de Joseph d’Arimathie. Aucune preuve archéologique n’a vérifié ces dires jusqu’alors. La tradition des catholiques et des orthodoxes a situé le lieu du tombeau dans l’église du Saint-Sépulcre, censé avoir été identifié par Hélène, mère de l’empereur Constantin au quatrième siècle, tandis que les protestants privilégient un autre site, la Tombe du Jardin, près du Calvaire de Gordon.



Le Tombeau de Talpiot scellé.


En avril 1980, des ouvriers découvrirent à trois kilomètres de l’église du Saint Sépulcre, dans une banlieue de Jérusalem appelée Talpiot. Les archéologues ont eu seulement le temps d’extraire dix ossuaires car un immeuble devait être construit par-dessus.


En 2007, le cinéaste Simcha Jacobovici rouvrit la tombe. L'affaire fit grand bruit, puisqu'elle fut fortement médiatisée par la diffusion  sur la chaîne Discovery d'un documentaire The Lost Tomb of Jesus, produit par James Cameron, tout acquis aux thèses fidéistes de Jacobovici qui le réalisa. Après avoir effectué une nouvelle analyse des vestiges, il affirme alors avoir découvert le tombeau familial de Jésus, du fait que six des ossuaires trouvés à l’intérieur portent des inscriptions tantôt en grec, tantôt en araméen, portant des noms associés à Jésus et sa famille.

  • Yshw' br Yhwsp, vocalisé en Yeshua bar Yehosef (Jésus fils de Joseph). La lecture du nom de Jésus dans ce graffiti est abondamment débattue.

  • Mryh, vocalisé en Maria (Marie).

  • Ywsh, vocalisé en Yose (diminutif de Joseph).

  • Yhwdh br Yshw’, vocalisé en Yehuda bar Yeshua (Judas fils de Jésus).

  • Mtyh, vocalisé en Matiyahu (Matthieu).

  • Mariamenou Mara (unique des six inscriptions qui n'est pas en écriture araméenne mais en grec), traduite en « de Marie qui est [aussi appelée] Mara ».

Noms lus sur les ossuaires de la Tombe de Talpiot.


Pour Simcha Jacobovici, il ne fait nul doute que “Yeshua fils de Joseph” serait Jésus de Nazareth, que Yoseh aurait été le frère de Jésus, José (Marc 6:3) ou peut-être son père, Joseph ; l’une des Marie aurait été la mère de Jésus, et l’autre, Mariamne, ne serait rien de moins que Marie Madeleine, considérée comme l’épouse de Jésus, avec lequel elle aurait conçu un fils, Juda, enterré lui aussi dans le caveau, avec l’un des parents de Marie, un certain Matthieu.


Cette interprétation avancée par le livre et le documentaire provoquèrent un tollé, tant parmi les théologiens et hommes d’Église qui défendirent mordicus la lecture canonique des textes sacrés, que chez les archéologues et les historiens qui demeurèrent sceptiques devant l’idée que ce « Jésus fils de Joseph » puisse avoir quoi que ce soit de commun avec Jésus de Nazareth.

L'inscription Yeshua bar Yehosef, commençant par une marque en forme de croix (à droite), identifiée non pas comme un signe chrétien mais comme une marque de tâcheron ou d'un repère qui permettait d'ajuster le couvercle sur l'ossuaire.


Pour James D. Tabor (Université de Caroline du Nord), les tombes antiques de Jérusalem étant progressivement mises au jour, parfois détruites, il n’est donc pas invraisemblable que des ouvriers aient trouvé la sépulture du Jésus des Évangiles, et il faut du moins envisager cette possibilité. Beaucoup de religieux conservateurs et de spécialistes demeurent cependant sceptiques.


Dans son compte-rendu donné sur le livre de Jacobovici, The Jesus Family Tomb, le professeur Kent P. Jackson, bibliste à Brigham Young University, dresse une liste des arguments rationnels qui peuvent être mobilisés contre la thèse de l’identification de la Tombe de Talpiot avec la sépulture de Jésus de Nazareth fournie par Joseph d’Arimathie. On peut les résumer ainsi.


1. D’après les Évangiles, Jésus n’a pas été enterré dans son tombeau familial, mais dans la sépulture d’un homme extérieur à sa famille, Joseph d’Arimathie. Jésus de Nazareth étant un Galiléen mort à Jérusalem, il ne disposait pas de son propre tombeau et a donc été enterré dans celui d’un autre homme. En revanche, la famille de Joseph, originaire de Galilée (ou de Bethléem), devait disposer d’un tombeau dans ses terres natales, et non pas à Jérusalem.


2. Les statistiques de probabilité utilisées par Jacobovici se basent sur de mauvaises hypothèses de départ. Les ossuaires peuvent rassembler les noms de plusieurs générations différentes, voire d’individus qui n’appartenaient pas à la même famille. Les noms figurant sur cette tombe sont parmi les plus courants de l’époque.


3. Dans le texte grec du Nouveau Testament, l’Évangile de Luc appelle toujours la mère de Jésus Mariam, alors que l’Évangile de Matthieu l’appelle Maria dans tous les cas sauf un. La forme Marya apparaissant sur un ossuaire de la tombe de Talpiot ne recoupe donc pas toute la documentation sur le nom originel de Marie. D’autre part, l’identification de Mariamne avec Marie-Madeleine ne repose pas sur des bases solides, encore moins sa qualification supposée d’apôtre. Mara doit être lu comme un prénom féminin. Pour Kent P. Jackson, la lecture épigraphique qui fut d’abord avancée, (« Mariamēnou (ē) Mara », avec la traduction «de Mariamène, [également appelée] Mara.») est erronée ; il faudrait lire en fait : « Mariamē kai Mara, « Mariame et Mara », indiquant que deux femmes auraient été inhumées à des étapes différentes dans le même ossuaire.


4. L’appellation de « Jésus, fils de Joseph » entrerait en contradiction avec la croyance chrétienne de la filiation divine du Christ s’il s’agissait là de Jésus de Nazareth. Même si Joseph était effectivement le père de Jésus, ses disciples n’auraient pas logiquement pu graver sur son ossuaire une telle assertion contredisant ainsi leur message, d’autant plus qu’ils prêchaient sa résurrection et son ascension.


5. Aucune appellation géographique identifiant la ville natale des défunts n’est relevable sur ces ossuaires, contrairement aux noms donnés dans les textes du Nouveau Testament.


6. Alors que la plupart des autres inscriptions de la tombe de Talpiot sont écrites de manière assez soignée, celle mentionnant Yeshua est très bâclée et chaotique, à tel point que la lecture de ce nom n’est pas entièrement certaine. Il est difficile d’y voir là l’épitaphe d’un Jésus honoré comme Christ et Seigneur par ses disciples.


7. Le signe de la croix présent à côté du nom Yeshua n’est pas vraiment un symbole chrétien, mais plutôt une marque pour aligner le couvercle dans la bonne position.


8. Si l’analyse ADN a montré que Yeshua et Mariame n’étaient pas issus de la même mère, ce n’est là en rien une preuve d’un quelconque lien conjugal. Cette Mariame aurait pu être mariée à l’un des autres hommes dans la tombe. D’autre part, une autre femme, Mara, avait ses os placés dans la même boîte, ce qui rend dès lors possible une contamination des ADN et complique les tentatives de reconstitution généalogique.


9. La thèse du mariage de Jésus avec Marie-Madeleine s’inspire de textes apocryphes tardifs (l'Évangile de Marie et les Actes de Philippe), mais ne trouve aucune preuve dans les Évangiles du premier siècle de notre ère. L’argument a silentio selon lequel les Évangiles cacheraient délibérément la vérité présente vite ses limites.


10. La décoration de l’entrée de la tombe ne renvoie à rien d’extraordinaire, les motifs relevés se retrouvant couramment dans les ossuaires de la Judée antique.


11. L’ossuaire trouvé en 2002 et portant l’inscription « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus », convoqué par Jacobovici pour expliquer l’absence de la dixième boîte dans le dépôt de l’Autorité israélienne des antiquités, n’a rien à voir avec Talpiot, son inscription étant un faux moderne gravé dans un authentique ossuaire ancien. Les archéologues qui ont exhumé ce dixième ossuaire de Talpiot ont constaté qu’il était de conception simple, sans décoration ni inscription, et l’ont donc rangé avec d’autres ossuaires simples dans la cour du musée Rockefeller de Jérusalem, où il s’y trouve encore aujourd’hui.


12. L’idée selon laquelle les premiers chrétiens ne croyaient pas dans l’Ascension de Jésus mais à son inhumation dans le tombeau de Talpiot ne repose pas sur des fondements solides.


13. Aucun écrit du Nouveau Testament ne considère que les os de Jésus eussent jamais été contenus dans un ossuaire, les Evangiles évoquant un corps embaumé avec des linges.


14. La dramatisation excessive, le caractère extrêmement romancé et le ton particulièrement péremptoire adoptés par Jacobovici et Pellegrino nuisent à la crédibilité de leur enquête. Le fait d’avoir brûlé les étapes scientifiques pour se précipiter dans le marketing a fortement nui à la portée de leur découverte, qui demeure de fait débattue aujourd’hui.


Désireux de trouver la confirmation de ses idées dans l'exploration des sépultures voisines à celle du caveau de Tolpiat, Simcha Jacobovici orienta alors ses recherches vers une deuxième tombe, située à moins de 50 mètres de celle qui aurait appartenu à la famille de Jésus. Cette tombe a été découverte en 1981, à nouveau par des ouvriers du bâtiment sur un chantier. Des archéologues ont pénétré dans la sépulture par un trou dans le plafond, afin de faire un premier inventaire. Mais des organisations de juifs orthodoxes, désireuses de préserver la tranquillité des morts, ont exigé la fin des fouilles et le départ des archéologues. Le passage a été condamné, laissant un étroit conduit censé permettre aux esprits de circuler. Jacobovici et son équipe pensent que ce deuxième tombeau appartenait à des fidèles de Jésus, peut-être même à Joseph d’Arimathie. Ces deux tombes ont été creusées sur une colline, à l’écart des autres tombes de cette zone. Au premier siècle avant notre ère, ce domaine appartenait visiblement à un homme riche, qui possédait un pressoir à vin et des bains rituels.


Tombes antiques dans le quartier de Talpiot à Jérusalem.


D’autres indices suggèrent que cette colline de Talpiot revêtait une importance particulière aux yeux des autorités politiques et religieuses. Elle se situe entre l’Hérodion, tombeau du roi Hérode, le Mont du Temple, ainsi que la colline d’Abu Tor, où une tradition situerait le lieu de rassemblement des prêtres juifs ayant condamné Jésus.



Pour James D. Tabor, ce lieu de Talpiot revêt une signification particulière par sa position stratégique. Le nom d’Arimathie semble provenir d’un toponyme dérivé de la racine hébraïque רם (RM) signifie hauteur, endroit élevé.


Après un compromis trouvé avec les responsables haredim pour une exploration limitée du tombeau, une nouvelle investigation de la tombe est organisée. Un radar géologique est mis en place pour situer exactement l’emplacement de la cavité de la sépulture. Rami Arav (Université du Nebraska), James Tabor collaborent au projet. Ils doivent explorer la tombe sans y pénétrer eux-mêmes.


Simcha Jacobovici a alors recours à Walter Klassen, ingénieur en robotique, pour concevoir un engin capable de pénétrer dans le tombeau à travers un passage fort étroit. La tombe, en hauteur, fait entre 1 m et 1,50 m. Une caméra est intégrée à un bras mécanique de 3 à 4 mètres de long.


Reconstitution numérique de la deuxième tombe de Talpiot, avec le bras mécanique.


Seuls quatre des neufs compartiments funéraires contiennent des ossuaires. L’ossuaire le plus proche de la porte est de coutume celui du personnage qui a fait creuser le tombeau (en haut à droite de l’image ci-dessus). Deux rosettes encadrant un nefesh (pilier) ont été gravés sur l’ossuaire. La plupart des spécialistes pensent qu’il s’agit de simples décorations, mais certains y voient un sens symbolique. Le nefesh, en hébreu, signifie à la fois pilier et ascension. S’agirait-il là d’une référence imagée à la montée du Christ au ciel ?

Motif de rosettes encadrant un pilier (nefesh) sur un ossuaire de la deuxième tombe de Talpiot.


Dans la deuxième des quatre niches occupées, le bras télescopique engagé révèle une inscription gravée : Mara. C’est un mot grec présent également dans la sépulture située à quelques dizaines de mètres de là, associé à Mariamne : « Mariamne Mara ». Pour Jacobovici, Mara désignerait un titre de « seigneur, maître ». Il semblerait indiquer que cette Mariamne, peut-être la Marie-Madeleine des Évangiles, aurait étéune femme respectée au même titre que les apôtres. On pourrait, selon lui, supposer que parmi les premiers chrétiens, certains aient voulu invoquer cette Marie Madeleine proche du Christ. Cette identification de Mariamne Mara à « Marie-Madeleine la Dame (ou maîtresse) » est néanmoins fortement contestée par d’autres chercheurs comme Kent P. Jackson (Brigham Young University, référence ci-dessous).


Inscription grecque "Mara" sur un ossuaire de la deuxième tombe de Talpiot.


La niche à ossuaire située en bas à gauche sur le plan de la tombe ne présentant aucun signe particulier, il reste une seule niche contenant deux ossuaires, située en haut à gauche du plan. Sur le premier de ces deux ossuaires se trouve une croix. La plupart des historiens considèrent que la croix n’est devenue un symbole chrétien répandu qu’à partir du quatrième siècle ; la présence de ce symbole ne revêtirait donc a priori pas de grand intérêt. Cependant, trois dessins de croix du premier siècle de notre ère ont été repérés dans le monde antique : à Herculanum, à Naples et en Galilée.


Motif de croix gravé sur un ossuaire de la deuxième tombe de Talpiot.



Motif de croix gravé sur un mur du site archéologique romain d'Herculanum au premier siècle de notre ère.


Motif de croix gravé sur un site archéologique romain à Naples.


Motif de croix trouvé sur un site archéologique du premier siècle de notre ère en Galilée (Israël).


L’ossuaire scruté par la caméra contient un impressionnant dessin gravé, celui d’un animal marin, gros poisson ou baleine, recrachant un homme dont la tête apparaît sortant de la gueule de l’animal. La frise disposée autour de la scène représente plusieurs petits poissons dans l’océan.


Dessin de Jonas expulsé par le gros poisson, gravé sur un ossuaire de la deuxième tombe de Talpiot.


Cet animal marin était communément représentée comme un monstre par les Romains, tandis que les Juifs la voyaient comme un grand poisson avec ses nageoires et ses écailles.


Robin Jensen (Université Van der Bilt), a observé dans les catacombes de Rome les symboles de l’art paléochrétien. Sur une pierre, on observe trois de ces signes. Le chrisme associe les premières lettres ΧΡ du mot christos (oint). Le poisson symbolise le Christ, en vertu de l'anagramme forgé sur le nom grec ἰχθύς / ichthús : "Jésus Christ, fils de Dieu, Sauveur"). L’ancre représente quant à elle la foi.

Symboles chrétiens dans les catacombes de Rome.


Les catacombes renferment un symbole biblique, Jonas et la baleine. Ce récit de l'Ancien Testament, évoquant le séjour de trois jours d’un prophète dans le ventre d’un gros poisson, a été repris par l'Évangile de Matthieu (12 : 39-40) pour évoquer le miracle de la résurrection de Jésus.


Jonas et la baleine représentés sur une fresque romaine paléochrétienne.


Ce thème de figuration imagée serait donc un symbole de résurrection utilisé par les premiers fidèles de Jésus. Le professeur Charlesworth considère que la gravure de Jonas découverte est d’une valeur exceptionnelle : elle représente bien un symbole de résurrection réalisé quelques décennies après la mort de Jésus.


La face arrière de l’ossuaire a été photographiée par les premiers archéologues ayant visité la tombe en 1981 ; elle représente la queue du poisson. Pendant la première exploration de la tombe, cet ossuaire représentant Jonas a été déplacé par les archéologues à partir de la première niche, attribuée au propriétaire de la tombe (dite « niche du patriarche »), pour être mis dans la niche actuelle, la troisième à droite. Aucune inscription ne permet cependant d’affirmer que cet ossuaire serait celui de Joseph d’Arimathie.


Queue du gros poisson représentée sur la face arrière de l'ossuaire de la deuxième tombe de Talpiot.

Ossuaires de la deuxième tombe de Talpiot.


Une nouvelle inscription grecque, trouvée entre deux rosettes gravées, fut déchiffrée par James D. Tabor et James Charlesworth (Séminaire théologique de Princeton).


Inscription grecque trouvée sur un ossuaire de la deuxième tombe de Talpiot.


Sur la première ligne, on lit facilement, en lettres capitales, le mot « ΔΙΟΣ » (Dios), Dieu. La deuxième ligne comprend le mot « IAIO », nom propre que l’on trouve dans certains papyrus magiques, et qui désigne une forme du nom de Yahvé. Sur la troisième ligne, on déchiffre le mot « ΥΨΩ » (upsô) : « il s’élève » ; « il s’élèvera » ; ou    « élève-nous ». Jean utilise ce mot dans son Évangile pour décrire la résurrection de Jésus.


La quatrième ligne est plus difficile à déchiffrer. On peut y lire « ΑΠΟ » (apo), "d’entre les morts", ou bien « ΑΓΒ » (AGB, Agba, équivalent d'upsô en hébreu) : le texte dirait deux fois la même chose, en grec et en hébreu : "Dieu, Yahvé, élève-nous, élève-nous !" Ces deux interprétations correspondent à un appel à la résurrection au profit des défunts inhumés dans le tombeau.


Il existe une troisième interprétation avancée par James D. Tabor. IAIO comme Yahvé posent un problème pour les Juifs qui n’auraient jamais osé écrire ainsi le nom de Dieu. Mais cela se comprend si l’on considère que les premiers disciples judéo-chrétiens considéraient Jésus comme l’incarnation de Dieu : IAIO désignerait donc Jésus selon cette hypothèse : « Seigneur (Jésus), élève-toi, élève-toi ! »

Pour James D. Tabor, ces éléments permettraient de mieux contextualiser le tombeau voisin de Talpiot, et feraient monter à 95% la probabilité que ce dernier ait été la sépulture de Jésus. Pour les premiers chrétiens, la résurrection n’était pas perçue par les premiers chrétiens comme un cadavre qui reprend vie ; ce qui comptait pour eux, c’était que Jésus soit monté aux cieux. Tabor pense que pour ces premiers fidèles, Jésus pouvait monter aux cieux en laissant ses ossements derrière lui, comme un vieux vêtement que l’on laisse derrière soi. L’inscription indiquerait en tout cas que les occupants de ce tombeau croyaient à la résurrection, soit qu'il s'agisse d’une prière pour que Dieu accorde la résurrection aux défunts, soit que les auteurs de ces quelques lignes eussent encouragé le défunt lui-même à ressusciter.

Vouloir lire "Jésus" derrière l'expression IAIO me semble pour ma part fort aventureux.


Dans l’ensemble, on peut dire que l’enquête menée par Jacobovici et ses collègues sur cette deuxième tombe de Tolpiat, en dépit des précautions prises sur les conclusions de la fouille, souffre de biais fidéistes comparables à ceux qu’il donna à voir dans son exploration de la tombe de   « Yeshua, fils de Joseph », reprenant même certains arguments pourtant démontés par ses contradicteurs. Toutefois, l’intérêt de la démarche de Jacobovici est d’ouvrir une fenêtre sur l’univers funéraire de la Judée du premier siècle. L’étiquetage confessionnel de telle ou telle sépulture sur la base de quelques symboles à la portée contestée présente certes de très sérieuses limites, étant donné qu’on a vu que la présence d’une croix ne signifiait en rien forcément une identité chrétienne. Même le miracle de Jonas, s’il est bien évoqué dans l’Évangile de Matthieu (12 : 38-41) à propos de Jésus, n’a rien d’un monopole chrétien et a pu être largement partagé dans les imaginaires de la Judée ancienne. Si l’on met de côté les inventions romancées imaginant l’union de Jésus avec Marie-Madeleine, le choix d’accorder une importance majeure aux femmes qui entouraient Jésus est lui aussi fructueux en ce qu’il contribue à réinterroger les grilles traditionnelles de lecture des sources néo-testamentaires, teintées d’un biais de genre tendant à mésestimer le rôle des femmes.


Ce présent article se fonde pour une partie sur le documentaire écrit et réalisé par Simcha Jacobovici, lui-même basé sur le livre The Jesus Discovery par James D. Tabor et Simcha Jacobovici (New York : Simon & Schuster, 2014), et diffusé dans sa version française sur RMC Découverte. D'autres références ont néanmoins été mobilisées pour contrebalancer le point de vue fidéiste de ce documentaire de vulgarisation.


Nicolas Preud'homme


Bibliographie


James H. Charlesworth, The Tomb of Jesus and His Family ? Exploring Ancient Jewish Tombs Near Jerusalem's Walls, Wm. B. Eerdmans Publishing, 2013, 592 p.


Amos Kloner, “A Tomb with Inscribed Ossuaries in East Talpiyot, Jerusalem,” Atiqot, 29, 1996, p. 15–22.


Estelle Villeneuve, Jean Radermakers, Jean Vervier, La Découverte du tombeau de Jésus, Éditions Fidélité, 2007, 147 p.


Liens externes


La version française du documentaire de Simcha Jacobovici diffusée sur RMC Découverte.


Un aperçu de la question fourni par la Société de Littérature Biblique.


Une revue critique par Kent P. Jackson du livre de Simcha Jacobovici et Charles Pellegrino, The Jesus Family Tomb: The Discovery, the Investigation, and the Evidence that Could Change History.


L'article Wikipedia sur le tombeau de Talpiot, dont j'ai repris notamment certaines images.





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